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Les instruments musicaux

Textes, photos, audios © Patrick Kersalé

Les musiciens

Il n’existe pas de musiciens professionnels chez les Gan, tels les griots. Les acteurs de la musique sont presque tous cultivateurs, la subsistance de la société toute entière étant liée à cette activité.

Le musicien est désigné par le terme générique khɩ'rɛɛra. Pour désigner un joueur d'instrument spécifique, on dira “nom de l'instrument + khɩ'ra”.

Il existe en revanche un groupe de musiciens attachés à la cour royale dont l'activité principale demeure toutefois l'agriculture.

Un musicien aveugle, reconnu comme artiste professionnel, sillonne le pays gan avec sa harpe koninyɑ̃ : Akouna Farma.

L'instrumentarium musical des Gan

Il est malaisé de parler de la “musique” d'un peuple quand celui n'a pas même de terme pour désigner cette vision occidentale de l'organisation sonore ! De même, la terminologie “instrument de musique” suppose tout d'abord que l'on considère les formes sonores qu'ils engendrent comme de la musique, car certaines formes sonores ne sont que de purs langages de communication se substituant à la parole. Cependant, compte tenu des habitudes linguistiques et culturelles, nous désignerons par “instrument de musique” tous les objets sonores dont il est question ici.

Classification instrumentale

Il nous a paru plus judicieux de présenter arbitrairement les instruments selon une approche classificatoire autochtone plutôt qu'occidentale qui n'aurait rien apporté qui soit déjà connu. Aussi nous proposerons une classification des instruments de musique non pas selon la systématique classique de Sachs et Hornbostel, qui tient compte du système d'excitation, mais selon le qualificatif en désignant le mode de jeu dans le vocabulaire gan.
Les Gan n'ont pas, à proprement parler, le besoin de classer leurs instruments musicaux ; cela ne répond à aucun critère intellectuel ni à aucun besoin. La notion de “jouer” un instrument est plus large et plus précise que celle de l’entendement occidental. La terminologie désigne soit le mode d’excitation, soit la résultante de l’utilisation. Ainsi, on considère quatre modes d'excitation : frapper (khɩrɛsɛ) — notion toutefois plus large que celle que la conception occidentale puisque l’on “frappe” les instruments à corde(s) — ; souffler produisant un sifflement (tɩɩrɛsɛ) ; souffler ne produisant pas de sifflement (ye'me) ; tourner (fĩɩme). Concernant la résultante de l’utilisation, on distingue les instruments permettant d’“appeler” (yɩkɩ̃nsɑ) les entités spirituelles et ceux permettant d’“effrayer” (kpukinso). L’excitation ou la résultante sonore de deux instruments (ou considérés comme tel par l’organologie occidentale), à savoir la ceinture-sonnailles (tɑ̃ginɑ)  et les chevillères-sonnailles (tɑ̃ɩ̃gɑ), n’ont pas de déterminants.

Selon le vocabulaire gan, nous aurions également pu classer les instruments en fonction de leur son. Pour qualifier génériquement le son d'un instrument, les Gan font la différence entre les deux instruments les plus importants ayant une parole et les autres. Ainsi, pour désigner la “parole du koto ou du koto bie” on dira “nom de l'instrument + wá kʋ̃dᴐmᴐ”. Pour les instruments ne véhiculant pas de parole (autres tambours, double cloche, harpe arquée), “nom de l'instrument + wá kʋ̃mɑ”. Pour les sifflements émis avec les flûtes et les sifflets on utilise le mot tɩɩrɛsɛ, différent du sifflement fɩ̃nɛɛsɛ émis avec la bouche sans objet sonore.
Nous donnons, dans le tableau ci-dessous, un panorama de l'instrumentarium avec une classification selon le système d'excitation tel qu'il est considéré par les Gan. Afin d'enrichir plus encore ce tableau, nous avons noté, en regard de chaque instrument, s'il est joué par les hommes
 ou les femmes . L'astérisque (*) signifie que l'instrument est un transpositeur de la parole.

Instr. frappés (khɩrɛsɛ) bɛrɛ̃ntɛ ♂, bᴐyᴐ ♂, dato ♂, dʋgʋko minige ♀, kɑ̃ganɩma ♂*, kãgõgo ♂*, kpegbe bie ♂, koninyɑ̃ ♂, koto ♂, koto bie ♂*, kpegbe bie ♂, minthoreego ♂*, pɑ̃aga ♂, sɩ̃ minise ♂♀, tiki bɛrɛ̃gɛ ♂*

Instr. soufflés/sifflés (tɩɩrɛsɛ) : bᴐᴐfere ♂ *, kᴐrɔ̃sɩ ♂*, tɩɩrɑ ♂*

Instr. soufflés (ye'metʋtʋʋngɩa ♂

Instr. tournés (fĩɩme) sᴐrᴐ ♂, vɩ̃vɩ̃ ♂

Instr. pour appeler (yɩkɩ̃nsa) keríge ♂, tɛgɩrɛ ♂♀

Instr. pour effrayer (kpukinso​: to.kolomɑ.jɑrɑ 

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Instruments frappés (khɩrɛsɛ)

Tambour
koto
Tambour
bɛrɛ̃ntɛ
Tambour
kpegbe bie
Tambour
pɑ̃ɑgɑ
Tambour
kãgõgo
Xylophone minthoreego
Xylophone/fosse
minthoreego
Double cloche
dato
Clochette
bᴐyᴐ
Tambour d'eau
dʋgʋko minige
Tambour
sɩ̃ minise
Cithare
tiki bɛrɛ̃gɛ
Arc-à-bouche kɑ̃gɑnɩmɑ
Harpe
koninyɑ̃

Instruments soufflés-sifflés (tɩɩrɛsɛ)

Flûte
tɩɩra
Flûte
kᴐrɔ̃sɩ
Flûte
bᴐᴐfere

Instruments pour appeler (yɩkɩ̃nsa)

Clochette
keríge
Hochet
tɛgɩrɛ

Instrument pour effrayer (kpukinso)

Tambour à friction to.koloma.jara

Instrument soufflé (ye'me)

Trompe
tʋtʋʋngɩa

Instruments tournés (fĩɩme)

Ronfle
vɩ̃vɩ̃
Rhombe
sᴐrᴐ

Indéterminés

Ceinture-sonnailles tãgɩna
Grelottière
tãɩ̃ga

La voix (nʋʋgɑ)

La voix est un instrument musical à part entière. Elle a, chez les Gan, une place privilégié. Le tableau ci-après donne un panorama de la répartition des principales formes d'expressions vocales féminines, masculines et mixtes, chantées et parlées.

Expressions vocales féminines

Chant d'obsèques (bɩɩ tɩ̃ŋgɑ)
Chant pour l'excision (huure tɩ̃ŋgɑ)
Chant du soko (soko tɩ̃ŋga)
Chant pour le pilage des noix de karité (dʋgʋko minige) (nom du tambour d’eau)

Chant de meule (pas de traduction)

Expressions vocales masculines

Chant pour le battage du mil (sʋ' kpee tɩ̃ŋgɑ)
Interrogation du cadavre (kpɩ̃ɩmɑ)
Divination (kɑ̃nsɑ)

Expressions vocales mixtes

Chant pour les génies (kperegbee tɩ̃gɑ)
Conte (kpɩrgɑ), chantefable (kpɩr sʋ̃nɩgɑ), devinette (kpɩr kpekpese), proverbe (sᴐᴐsᴐ)

La voix

La voix (nʋʋgɑ) est assimilée à la bouche. Parler et parole se traduisent par sɛɛrɛ. La voix grave se traduit littéralement par “grosse voix” ( kpɑkpɑkɑ) et la voix aiguë par “petite voix” ( biIre'). Il a une belle voix se traduit par “sa bouche est douce” (ʋ nʋgɩrɩrɑ nʋʋ) et je n'ai plus de voix par “ma bouche est morte” (mɩ nʋgɩrɩ hugirimɑ). De même, “la voix du tambour koto” est littéralement traduit par “la bouche du koto” (koto wá nʋgɑ).

Le chant

S'il n'y a pas de terme pour désigner la musique, il en existe en revanche un pour désigner le chant : tɩ̃ŋgɑ. Ainsi, on distingue par exemple le chant pour les obsèques (bɩɩ tɩ̃ŋgɑ), le chant pour les entités spirituelles (nom de l'entité + tɩ̃ŋgɑ). Chanter lors des occasions de réjouissances telles les dernières funérailles ou le soko se dit tɩ̃nɛɛsɛ. On distingue, parmi les chanteurs, ceux qui chantent occasionnellement (tɩ̃tɩ̃mɑ), de ceux qui sont reconnus comme de véritables chanteurs (tɩ̃nɩɩnɑ). Dans les chants polyphoniques responsoriaux, on désigne la soliste sous le vocable (tɩ̃ khɛ) et celles qui répondent par (tɩ̃ hɩ̃gɩ̃nɩbɑ ; sing. tɩ̃ hɩ̃gɩ̃nɑ). L'action de changer les solistes se traduit pɛgɩ̃nsɛ.

Les pleurs

Les pleurs peuvent être considérés comme une expression sonore directement liée aux systèmes de communication car elles sont le signe annonciateur d'un décès pour l'entourage familial et villageois de proximité. Pleurer est défini par le terme général (fʋʋrɑ) et les pleurs rituels des femmes accompagnant les chants d'obsèques dans les cases funéraires se disent (bɩɩ fʋʋrɑ), littéralement “pleurs d'obsèques”.

Les appels

Pour appeler quelqu'un, un animal en sifflant ou en criant ou encore appeler les génies en utilisant le hochet tɛgɩrɛ, on utilise le même terme : yɩkɩ̃nsɑ. On distingue le sifflement avec un instrument (tɩɩrɛsɛ) et sifflement avec la bouche (fɩ̃nɛɛsɛ).

Les bruits

On distingue un bruit prolongé (kʋ̃gɩ̃nsɑ) d'un bruit furtif (kʋ̃mɑ). Ce dernier terme signifie également “dire”.

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