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Sénoufo

Textes, photos, audios © Patrick Kersalé

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Introduction par Patrick Kersalé. Chez les Sénoufo, nous nous sommes particulièrement intéressé à la confrérie initiatique des chasseurs du village de Ouolonkoto. Nous tenons à remercier le chercheur Bakari Barro sans lequel ces travaux n'auraient pu aboutir. Remerciements également aux membres de l’association Benkadi et en particulier à Nafalé Koné (chef des chasseurs du Kénédougou) et Ladji Madou Barro (chef des chasseurs de Diéri) ainsi qu'à tous les chasseurs qui nous ont accordé leur confiance. 

Nos collectages et recherches ont déjà fait l'objet de la publication du CD “Éloges de la confrérie des chasseurs senoufo tagoua” aux Éditions VDE-Gallo et du film documentaire de 52' “Les maîtres du nyama” avec sa version anglaise, “The masters of nyama”. Nous offrons ici l'accès à l'ensemble de ces médias.

Le village Ouolonkoto. Le village de Ouolonkoto est situé à l'extrême ouest du territoire burkinabè, près de la frontière malienne, dans la province du Kénédougou. La végétation est une savane arbustive dans laquelle on pratique une agriculture traditionnelle et la plantation d'arbres fruitiers (orangers, manguiers, anacardiers). Le village est habité par des Sénoufo animistes dont seulement une minorité est islamisée à la fin du XXe s.

Une confrérie initiatique. Les chasseurs forment une association existant depuis de nombreuses années et qui trouve son origine à l'époque de la fondation du village. Ils constituent une confrérie initiatique couvrant toute la zone habitée par l'ethnie Sénoufo (provinces du Kénédougou, Comoé, Léraba) avec une extension en Côte d'Ivoire et au Mali. Le village dispose d'un maître chargé d'encadrer des chasseurs de la zone. Le rôle de ces derniers est bien entendu de chasser (fusil, piège) mais ne se limite pas à cette activité. Les chasseurs prennent en charge la sécurité des villageois et des biens, gèrent les conflits et luttent contre tout ce qui peut dégrader l'Homme. Grâce à leurs connaissances en phytothérapie, ils soignent la population. Ainsi, la notion de chasseur transcende l'acception habituelle du terme pour englober une vision missionnaire de l'homme armé qui, au-delà de la lutte pour la survie à travers la recherche de sa nourriture quotidienne, est le garant de la protection des ressources naturelles (faune et flore) et du respect du cadre moral, reconnu au sein de la société sénoufo tout entière.
La confrérie des chasseurs dispose de sa propre police, de sa cour de justice à l'instar de la police militaire, et de sa cour martiale. Au niveau individuel, chaque membre subalterne rend des comptes à sa hiérarchie à travers une stricte codification. Chacun doit respect et honneur à l'accoutrement traditionnel tant par ses paroles que par ses actes.

Origine du donso n'gᴐni. La tradition orale des chasseurs rattache toute corde produisant une note au donso n'gᴐni (harpe-luth des chasseurs mais littéralement “corde des chasseurs”), trouvant son origine dans le Ouassoulou (Mali) :  « Un jour, le chasseur Mandé Mory était parti à la chasse. Il rencontra un génie qui jouait du n'gᴐni devant une grotte pour louanger les génies chasseurs. Ses notes enchantèrent tellement notre homme que celui-ci décida de s’emparer de l’instrument. Une lutte s’engagea alors entre les deux protagonistes et finalement, le chasseur réussit à tuer le génie et à lui subtiliser son bien. Il constata alors que le n'gᴐni possédait 107 cordes. De retour chez lui, il le donna à l’un de ses frères chasseurs qui ne parvint à utiliser que 6 des 107 cordes. Ainsi naquit le donso n'gᴐni ». Dans les chants, lorsqu'un chanteur veut parler du donso n'gᴐni, il remplace ce terme par dùnu (tambour) ou jùru (corde).

 

La musique du donso n'gᴐni. La musique des chasseurs est fonctionnelle et chantée par des musiciens spécialisés dans cette forme expressive. Elle permet de louanger les chasseurs, de leur donner du courage, de les glorifier en relatant leurs exploits, de motiver les jeunes initiés à prendre exemple sur leurs aînés. Les textes peuvent avoir un simple caractère narratif, devenir poétiques et atteindre des élans mystiques empreints d’une étonnante puissance évocatrice. Les chants sont ponctués par le terme nàámu, qui marque l’attention et invite le chanteur à poursuivre.
Lorsqu’un chanteur s’exprime, si un chasseur s’identifie au texte chanté, il est alors tenu de danser. Si au contraire il ne s’identifie pas, il s’abstient et prend acte de l’enseignement relaté. Pour danser, le chasseur porte un masque cimier composé du crâne d'un animal qu'il a lui-même tué ou de sa réplique imagée en bois. Au cours de la danse, il peut mimer la scène de chasse qui l’a conduit à tuer l’animal en question. Un autre chasseur de l’assistance peut être désigné par lui pour jouer le rôle de cet animal. Parfois, le chasseur mime alternativement le rôle du chasseur et celui de l’animal.

Dans les enregistrements ci-après, deux musiciens jouent du donso n'gᴐni et chantent tandis qu’un troisième les accompagne avec un racleur tubulaire métallique (garange en sénoufo ; cagayan en dioula).
On entend parfois un sifflet en bois (file) à embouchure terminale et trous de jeux latéraux. Ces sifflements ont deux significations possibles : marquer son accord sur les paroles du chanteur ou inviter ce dernier à reprendre certains propos. Lorsque cet instrument est joué au cours de la chasse, il sert à communiquer avec les autres chasseurs selon un système phonologique. 

Enregistrements

Les enregistrements ci-après on été réalisés le 6 décembre 1996 dans le village de Diéri par Patrick Kersalé.

Les musiciens. Premier donso n'gᴐni :  Issa Diabaté ; Second donso n'gᴐni :  Massa Traoré ; garange :  Seydou Traoré & Sirafa Traoré

Les traductions. Les traductions sont l'œuvre de Bakari Barro, né en 1965 à Orodara, Province du Kénédougou. Il est historien de formation, auteur d'un mémoire intitulé “L'Islam à Diéri, évolution et impact socio-économique des origines à nos jours”. Professeur d’histoire-géographie des lycées et collèges, il effectue des recherches sur les cultures traditionnelles du Burkina Faso. 

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samá faga múgú :  la poudre qui tue l’éléphant -
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samá faga múgú :  la poudre qui tue l’éléphant

Refrain :  « Remuez la poudre, la poudre qui tue l’éléphant dans le Tagouara. »
Écoutez la poudre, la poudre qui tue l’éléphant dans le Tagouara.
Écoutez le tambour qui a peur de l’homme.
La mort ne prévient pas, elle met fin à l’homme et non à son nom. 
Écoutez mon tambour, écoutez le bruit de la lutte de l’éléphant à l’unique défense. 
Eh ! écoutez le tambour ! c’est le tambour de Tiéfing qui résonne devant vous. 
Eh ! écoutez le tambour ! Moussa Koné, je joue votre tambour. Quel travail  !
Eh ! écoutez le tambour ! Kadjéné !
Eh ! écoutez le tambour ! Siaka de Sérékéni  est un brave chasseur !
Eh ! écoutez le tambour ! Siaka Jàn.

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ku don bólo :  donne-moi la queue -
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ku don bólo  donne-moi la queue

Refrain :  « Donne-moi, donne-moi la queue. »
Eh ! nul n’est éternel ! nous sommes aux chasseurs.
Toute personne qui a choisi un chasseur pour gendre a traité avec un brave.
Les chasseurs  sont morts.
Eh ! le singe est entré dans l’obscurité. Nul n’est éternel.
Nous en arrivons aux braves, des braves comme nous. J’interpelle le tueur d’hippopotame, Madou, le chasseur Turka Madou qui fit beaucoup de choses. Le jour où le court (de taille) Madou et l’hippopotame se rencontrèrent dans la rivière fut difficile. Il me jura un autre jour de me rapporter une queue d’animal et me demanda de le louanger. Il nous laissa en causerie et se rendit en brousse. Ah, un brave fâché ne fait plus de bien.
Le monde est bien fini pour celui qui meurt. Un désespéré ne peut voir le seuil de la porte, c’est souvent un problème d’enfant. Certains meurent, d’autres naissent.
J’interpelle le chasseur Tiéfing du Burkina, Tiéfing de Dakoro. Le jour où j’ai trouvé Tiéfing chez lui à Dakoro, je lui ai dit :  « J’ai entendu parler de toi avant de te rechercher. Je n’entends jamais parler d’un chasseur sans le rechercher ». Je lui ai dit encore :  « Vaillant chasseur, les chasseurs qui m’admirent sont nombreux mais, de nos jours, ceux qui m’épousent sont rares  ». Alors Tiéfing me maria à la viande. Il me dit :  « S’il plaît à Dieu et à son envoyé, tu ne mangeras pas de viande de volaille ici chez moi, quel que soit le nombre de jours où tu y resteras. » Je lui ai répondu : « Je ne mangerai pas de volaille car je n’ai pas de médicament contre la malaria, je ne mangerai pas de viande de bœuf car je n’ai pas de médicament contre les maux de dents et je ne suis pas non plus un pêcheur pour manger du poisson. » 
Mais je vous dis que Tiéfing n’est pas homme à essayer. Chez Tiéfing, à chaque jour correspond une épaule. Le nom d’un homme est lié à ses hauts faits. Un homme ne peut être renommé sans avoir accompli quelque chose d’important, de mémorable. Le nombre d’hommes qui ont accompli de tels hauts faits a diminué. 
Je salue tous les chasseurs, les chasseurs du monde, ceux du Burkina.

Eh ! tue le gibier et donne-moi la queue.
Tue le lion et donne moi la queue.
Tiéfing, tue le gibier et donne la queue.
Tiéfing a tué le lion et m’a donné la queue.
Madou a tué l’hippopotame et m’a donné la queue.
Tuez le buffle et donnez-moi la queue.

Siaka s’est levé le matin pour aller en brousse.
Ah bon ?
Le soir venu, il trouva un buffle qui s’amusait. Un seul coup de feu mit fin à ce jeu.
Une cuisse de ce buffle devint pour moi une sandale.
La peau de l’hippotrague devint pour moi une sandale…

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sa dùnu kan :  le son du tambour de la mort -
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sa dùnu kan :  le son du tambour de la mort

Refrain 1 :  « Le son du tambour de la mort. Eh, merci au tambour, Baba n’entends-tu pas le son te suivre ? »
Eh ! nul n’est éternel. Nous dirons beaucoup de choses et il s’en dira encore beaucoup après nous.
Madou Barro, n’as-tu pas entendu le tambour ? Je suis en train de parler de ton père. Le sa* dùnu kan a été chanté pour ton père et ton grand-père. Il y a des enfants qui héritent de leur père tout comme de leur grand-père. Il n’y a pas de problème à ce qu’un enfant ressemble à son père. Tu viens de Babou (père) qui fut chasseur. La chasse est pour toi un héritage paternel. Madou, n’as-tu pas entendu le son du tambour ? Toute femme ne peut pas mettre au monde un chasseur. Il n’est pas facile d’avoir un chasseur. On ne peut être chasseur et peureux. Un paresseux ne peut être un chasseur renommé. Un homme acculé ne peut faire le bien.
Quel chasseur puis-je interpeller ? J’interpelle Baba, l’étonnant chasseur de Diéri dont je connais l’éloge. N’est-ce pas que si un chasseur meurt, leur nombre a diminué ? Il n’y a plus de chasseurs de valeur. Madou a rendu la brousse orpheline de père et de mère. On ne peut devenir un chasseur sans connaître la sorcellerie.
Eh ! n’avez-vous pas entendu le son du tambour ?
Eh ! je vous dis bonsoir.
Je salue Baba de Diéri qui n’est plus de ce monde. Il n’entend plus les paroles de ce monde mais celles de l’au-delà. À Baba, je dis que l’arbre de mon espoir est cassé.
Eh ! n’avez-vous pas entendu le son du tambour ?

À qui est destinée cette chanson ? Laissez-moi les interpeller. 
Eh, n’as-tu pas entendu le son du tambour ? 
Le monde est sans fin. 
N’as-tu pas entendu le son du tambour ?
Merci Tiéfing, n’entends-tu pas ?
Merci Naté Moussa , n’entends-tu pas ?
Merci Kadjéné, n’entends-tu pas ?
Merci Siaka Dembélé, n’entends-tu pas ?
Merci Ladji Madou, n’entends-tu pas ?
Le monde est sans fin.
Eh ! n’avez-vous pas entendu le son du tambour ?

Refrain 2 :  « Fuite pitoyable. »
Le gibier a fui. 
Les antilopes ont fui.
Les hippotragues ont fui.
Les buffles ont fui.
Les éléphants ont fui.
Les lions ont fui.
Les reduncas ont fui.
Les oryctéropes ont fui.
Les cobes ont fui.
Les porc-épics ont fui.
Les phacochères ont fui…

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nàma fàga tu :  la forêt aux hyènes -
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nàma fàga tu :  la forêt aux hyènes

Refrain :  « J’entends le tambour. Le son qui annonce la mort du gibier de la forêt aux hyènes. »
Le son du tambour se fait entendre. Le nombre de chasseurs a diminué.
Eh ! quel chasseur puis-je interpeller ? J’interpelle Issouf Barro à Bobo. Un vaillant homme.
Eh, n’as-tu pas entendu le tambour ? 
Il est important d’interpeller les braves.
J’interpelle Yaya le marabout et son frère Baki de Daoudasso à Diéri. Il fit beaucoup de choses.
J’interpelle Daouda Bamba à Kongolikoro. Je lui dis que le crocodile a trois noms , tous dangereux. Le jour où je lui ai joué ces notes, il me demanda combien de jours je passerais avec lui. Je lui répondis une semaine. Il me promit que chaque jour aurait sa part de viande.
Eh ! écoutez le tambour. Remercions les chasseurs.
La première nuit, Daouda me donna neuf guibs harnachés, trois phacochères, un hippotrague. Je mangeai à ma faim. Il me maria à la viande. Le second fut Tiéfing de Dakoro. La forêt aux hyènes vient de Tiéfing. Tous les chasseurs sont des chasseurs, mais tous ne savent pas où se trouve la forêt aux hyènes.
Eh ! bonsoir chasseurs. À qui pourrais-je également destiner cette chanson ?
J’interpelle le chasseur Siaka Jàn de Sérékéni. Cette chanson ne se chante pas parce qu’on éprouve de l’estime. Cette chanson ne se chante pas parce que l’on revient de la Mecque. Il faut que tu sois un véritable chasseur en pleine ascension.
N’entendez-vous pas le tambour ?

Eh ! cachez-vous dans la forêt aux hyènes, les hippotragues !
Eh ! cachez-vous dans la forêt aux hyènes, les éléphants !
Eh ! cachez-vous dans la forêt aux hyènes, les lions !
Eh ! cachez-vous dans la forêt aux hyènes, les hyènes !
Eh ! cachez-vous dans la forêt aux hyènes, les guibs harnachés !…

 

n’tanani :  « je ne flatte pas  » -
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n’tanani :  « je ne flatte pas  »

Refrain : « Brave chasseur, il n’est pas facile d’obtenir le n’tanani. »
Eh, ceci est une corde entre mes mains. Si tu entends le son de la corde, il se transformera. 
Les chasseurs ont diminué. Les tueurs de lions ont diminué. Ceux qui luttent contre les phacochères n’existent plus. Ceux qui luttent contre le vieux bubale solitaire  n’existent plus.
Laissez-moi appeler les chasseurs, les tueurs de lions, appeler le chasseur Baba qui fit beaucoup de choses. Il ne se sépara pas des gibiers en bons termes. Il ne se sépara pas de l’éléphant en bons termes. Il ne se sépara pas du lion en bons termes. Il rendit orphelin de père et de mère les lions. Il rendit orphelin de père et de mère les hyènes. Il n’est plus de ce monde. La mort n’épargne pas parce que l’on possède quelque chose. La mort n’épargne pas parce que l’on a des connaissances. Un des piliers de Diéri est cassé. Un des espoirs a disparu. À qui pourrais-je me confier ? Eh ! les braves hommes sont morts !
Qui puis-je interpeller d’autre ? Logossina le Rouquin, mais il a aussi disparu. En voici un qui rendit orphelin les lions. En voici un qui rendit orphelin les buffles. En voici un qui rendit orphelin les hyènes. Depuis sa disparition, la chasse a diminué de valeur à Samorogouan. Il possédait également la sorcellerie. Il possédait également des connaissances. Il ne se sépara pas en bons termes avec les gibiers. Il ne se sépara pas en bons termes avec les lions et les hippopotames. Son maître s’appelait Fatogoma dans le Gouanadougou. Il fit beaucoup de choses pour Logossina.
Ah Sirafa ! le son de ton racleur me plaît bien. Bis.
Chacun a son destin. On ne peut lutter contre un lion sans connaître les vertus des plantes. On ne tue pas un éléphant sans connaître la magie. On ne tue pas la panthère sans gri-gri. On ne tue pas l’hyène sans savoir-faire.
Bonsoir chasseurs. Je salue tous les chasseurs qui tuent le lion. Certains sont en vie, d’autres ne le sont pas. Je suis rentré dans le village de Ouolonkoto. J’y ai choisi des chasseurs.
J’interpelle alors Naté Moussa Koné, modèle de bravoure. Il s’agit là d’un chasseur d’éléphant. Ouolonkoto est situé au milieu des grottes. On y trouvait beaucoup de lions qui n’épargnaient ni les chèvres, ni les bœufs. Mais qu’il plaise à Dieu ou pas, il n’y a plus de lions. Ils ont disparu grâce à l’arme, mais aussi grâce à Naté Moussa.
J’interpelle également Karim de Lébouroukoro à Ouolonkoto , bonsoir, qui tua deux lions le même jour. La battue de Samblara  fut difficile. Ce jour-là, les lions ont intercepté Karim entre la brousse et la maison. Ils voulaient manger Karim. Un coup de feu a suffi à Karim pour abattre trois lions. Les lions répliquèrent. Ils le poursuivirent et après un coup de feu deux autres lions tombèrent en même temps.
J’interpelle Coulibaly Madou à Ouolonkoto. Le tueur de crocodile. Il était également tueur de lion à Ouolonkoto. Il n’est plus de ce monde.
J’interpelle Kalifa qui s’est endormi avec ses bois  qui tuent, lui qui pouvait tuer par la simple parole. Avec lui, l’arbre d’espoir des jeunes chasseurs s’est cassé. Naté Moussa n’a plus de confident.
On ne peut devenir chasseur si on est peureux.
J’interpelle Moussa de Bankoro, qui une fois prit son arme à Samorogouan pour aller chasser les porcs-épics. Des lions apparurent. Il y en avait quinze et ils voulaient manger Moussa Diakité. On n’a pas fini de parler des chasseurs. Qu’il plaise aux gens ou pas, les chasseurs sont des sorciers. Lorsque Moussa tira sur un porc-épic, les lions apparurent et l’entourèrent. Diakité Moussa possédait un fusil traditionnel qui s’appelait Logoduma. Il tuait l’éléphant avec cette arme. Il tuait l’hippopotame avec cette arme. Il n’épargnait ni les cadavres, ni les vivants. Cette arme fit beaucoup de choses entre les mains de Moussa. Il tira sept coups de fusil sans le charger. Il tua sept bêtes. On chanta alors pour Moussa. On lui chanta le n’tanani. On lui chanta la musique des hommes.
Eh ! n’as-tu pas entendu le tambour ?
Eh ! celui qui n’a pas tué un hippotrague mâle ne peut bénéficier de cette chanson.
Eh ! celui qui n’a pas tué un guib mâle ne peut bénéficier de cette chanson.
Eh ! celui qui n’a pas tué un phacochère mâle ne peut bénéficier de cette chanson.
Eh ! celui qui n’a pas tué un lion mâle ne peut bénéficier de cette chanson.

Eh ! chasseurs, voilà le son du n’tanani.
Baba, il n’est pas facile d’obtenir le n’tanani.
Logossina, il n’est pas facile d’obtenir le n’tanani.
Siaka Dembélé, il n’est pas facile d’obtenir le n’tanani.
Tiéfing, il n’est pas facile d’obtenir le n’tanani.
Siaka Jàn, il n’est pas facile d’obtenir le n’tanani

marasa -
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marasa

Refrain :  « Il n’est pas facile à danser, le marasa n’est pas facile à danser. »
Eh ! écoute mon tambour !
Les danseurs de marasa ont diminué. Il n’y a plus de danseurs de marasa, ils ont diminué. Tous les chasseurs ne peuvent danser avec le marasa  entre les mains. Il n’y a plus de chasseurs. Les chasseurs qui peuvent survivre à des faits périlleux ont diminué. Les danseurs de marasa ont diminué. Les tueurs d’éléphant ont diminué.
Quelle surprise  !
Eh homme ! je ne joue pas le marasa si tu ne sors pas vivant d’une bataille périlleuse. Eh homme ! je ne joue pas le marasa si tu ne te relèves pas d’une situation désespérée.
Eh, écoutez mon tambour ! Eh homme ! je ne joue le marasa que si tu sors indemne d’un accident périlleux. Eh homme ! je ne joue le marasa que si ton fusil se déchire  sept fois entre tes mains. Si le lion ne te laisse pas de trace, je ne te joue pas le marasa. Si le fusil ne te laisse pas de trace, je ne te joue pas le marasa. Si l’éléphant ne te laisse pas de trace, je ne te joue pas le marasa. Un chasseur est difficile à obtenir (de nos jours).
Eh ! écoute le tambour !
Un fusil qui se perd n’avait pas de raison d’être possédé. Marasa interpelle les braves comme Sabiran  qui n’est plus de ce monde. Les hippopotames l’ont vaincu. Marasa interpelle Bakaba qui n’est plus. La mort peut vaincre l’homme et non son nom. Le musicien Birama s’est couché.

Il n’est pas facile à danser : tue le lion.
Il n’est pas facile à danser : échappe à une situation périlleuse pour le danser.
Il n’est pas facile à danser : celui qui est mangé par un poisson, le marasa est chanté pour lui…

sàma ni kelen :  l’éléphant à l’unique défense -
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sàma ni kelen :  l’éléphant à l’unique défense

Refrain : « Nous sommes en brousse, le vieux bubale solitaire est en brousse. »
Nous sommes en brousse, voilà l’éléphant à l’unique défense.
Eh propriétaire de fusil ! l’éléphant à l’unique défense se trouve en brousse.
Eh braves ! l’éléphant à l’unique défense se trouve en brousse.
Allons les braves, nous mesurer avec l’éléphant à l’unique défense.
Remplissons la forêt pour la bataille avec l’éléphant à l’unique défense.
Eh danseur de marasa ! l’éléphant à l’unique défense est dans la forêt.
Eh Tiéfing ! l’éléphant à l’unique défense est dans la forêt.
Eh Madou ! l’éléphant à l’unique défense est dans la forêt.
Eh Daouda ! l’éléphant à l’unique défense est dans la forêt.
Eh Kadjéné ! l’éléphant à l’unique défense est dans la forêt.
Prenez vos fusils pour vous mesurer avec l’éléphant à l’unique défense.
Tueur de guib harnaché, tu n’es pas forcément tueur d’éléphant à unique défense.
Tueur de buffle, tu n’es pas forcément tueur d’éléphant à unique défense.
Tueur de lion, tu n’es pas forcément tueur d’éléphant à unique défense.
Jeune chasseur peureux, tu ne peux prendre part à cette bataille car elle est difficile.

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Film

Les maîtres du nyama - Un film  de Patrick Kersalé (2001)

Au Burkina Faso, la confrérie initiatique des chasseurs sénoufo perpétue des traditions millénaires. Elle prêche la liberté, l’égalité, la fraternité et l’entente entre tous les hommes, sans distinction de classe, de naissance, de croyance ou d’origine. Si le fusil s’est aujourd’hui substitué à l’arc, le rapport de force entre l’homme et l’animal n’en est pas pour autant rompu. Lorsqu’il expire, le gibier libère une force vengeresse, le nyama, qui poursuit le chasseur sa vie durant. Gris-gris, plantes et prières magiques, mais aussi musique, danses et pantomimes l’aideront à l’exorciser et à l’apprivoiser. Des chantres, armés de leur seule parole et de leur harpe-luth, ont la charge de transmettre la connaissance et de louanger les hommes les plus valeureux.

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