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Le royaume gan

Textes, photos, audios © Patrick Kersalé

Introduction par Patrick Kersalé

Le contenu des pages concernant le royaume gan est le résultat de recherches et de collectages sur la musique, la littérature orale et la danse menées entre 1994 et 2003. Quatre personnes ont contribué au succès de ces recherches :

  • Feu Sa Majesté Ardiouma Louis-Marie Farma, 28e roi des Gan, qui, constatant la déliquescence de la culture traditionnelle, s'est mobilisé afin qu'une grande mission de collectage sonore soit réalisée. Il ne ménagea pas sa peine pour convaincre les villageois de témoigner.

  • Koffi Farma, bras droit de Sa Majesté pour la culture, m'accompagna durant toutes ces années pour organiser les rencontres avec les dépositaires de la tradition, traduire, interpréter et témoigner lui-aussi en sa qualité de devin et de sachant. Sa haute compétence et sa disponibilité ont été déterminantes.

  • Urbain Kam, Président de l'ASPAC, qui durant toutes mes années de recherches au Burkina Faso, a brillamment assuré la logistique et les contacts humains.

  • Feu Madeleine Père qui consacra les dernières années de sa vie à une imposante recherche sur l'histoire de Gan. Ses conseils ont été précieux.

  • Mes remerciements vont également à tous les intervenants (musiciens, danseurs, conteurs, villageois) qui n'ont pas ménagé leurs efforts pour témoigner aux générations actuelles et futures, ce qui contribua à la grandeur du royaume gan.

Compte tenu du temps écoulé depuis les dernières recherches menées en 2003, certaines informations ne sont plus d'actualité. Nous espérons toutefois que leur publication permettra au peuple gan de se réapproprier des pages de culture oubliées et qu'elle sera une invitation à continuer le collectage et à préserver ce qui peut l'être encore. Nous invitons les Gan à apporter toute précision et correction nécessaires en utilisant notre page Contact. Elles seront reportées dans le texte.

Ce site nous offre l'occasion de restituer les enregistrements du coffret de 2 CD "Burkina Faso : Anthologie de la musique gan" paru en 1999 ainsi que de publier in extenso les messages visionnaires délivrés en son temps par Sa Majesté Ardiouma Louis-Marie Farma.

Introduction de Sa Majesté le 28e roi des Gan

Sa Majesté le 28e roi des Gan (ká̃ɑ ‘ɩyɑ), intronisé en 1994, avait le souci d’allier conservation de la culture et développement. Avant de partir rejoindre le royaume des ancêtres, il a tenu à laisser des messages à son peuple. Ce témoignage oral et ce film résument sa pensée.

Musique et harmonie au royaume des Gan

Ce film de 52 mn constitue une introduction indispensable pour aborder la musique et la danse du royaume gan. Pour plus d'informations sur ce film cliquez ici.

Sa Majesté le 28e roi des Gan - Culture et développement
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Une royauté théocratique matrilinéaire

L'origine ancienne des Gan ou Ká̃aba (pluriel de Ká̃a) — tels qu'ils se nomment eux-mêmes — n'est pas encore clairement établie, mais ils sont parvenus dans la Province du Poni, au Burkina Faso, avant tous les autres groupes qui s'y trouvent de nos jours. Ils y sont arrivés par le sud, venant de l'actuel Ghana, via Soko et Bouna (Côte d'Ivoire), sans doute attirés par la zone aurifère dite “du Lobi” et ce, peut-être dès les XVe - XVIe siècles.
Au cours des âges, par erreur ou par déformation, les K
á̃aba ont été appelés Gan par les populations avec lesquelles ils étaient en rapport. Ce terme leur a ensuite été appliqué lors de la colonisation française et continue de les désigner au Burkina Faso.
La société gan est dotée d'une royauté qui totalise déjà vingt neuf règnes.

Les Gan comptent environ 15 000 âmes réparties dans huit agglomérations : Opire (appelée plus couramment Obiré, siège de la cour royale), Dwpɛnɩ, Herifɩrɑ, Kɑɩmɩthɑ), Munyi, Perekere, Sɑ̃tée, Snn.

Organisation de la royauté

Le chef spirituel des Gan est le ká̃ɑ 'ɩyɑ (appelé “roi” en français) ; il est le représentant direct de Dieu (Yekire) sur Terre. Il siège à Opire, capitale du pays gan. Fonctionnellement, il avait autrefois tous les pouvoirs : politique, administratif, judiciaire (droit de vie et de mort sur ses sujets), guerrier, religieux. Aujourd’hui, compte tenu de la structuration républicaine du Burkina Faso, il a peu de pouvoirs, si ce n’est de régler certains problèmes administratifs et judiciaires, évitant ainsi de mettre en marche la lourde machine de l’appareil d’état. Il reste cependant le chef religieux des Gan et un personnage incontournable pour les autorités étatiques, rien ne pouvant se faire sur son territoire sans son aval ou tout au moins, sans l’avoir préalablement informé.
Le roi communique avec les vivants par l’intermédiaire de son porte-parole, kɑsɩyɑ, considéré comme sa première femme, bien qu’il soit un homme. Derrière ces deux personnages centraux, existent, répartis dans différents villages, douze “ministres” qui sont en réalité plutôt des “prêtres”, (sɑkhɑ nɩnɑ̃ sacrificateurs (kperi kᴐrᴐ) ou non, ayant diverses fonctions religieuses, guerrières et administratives auquel il faut ajouter le prêtre-sacrificateur des entités spirituelles k
á̃ɑ 'ɩyɑ et hɛrkɛrɛ d'Opire, le ká̃ɑ thᴐgɩnɑ.
La charge des responsabilités religieuses du royaume sont réparties entre trois des quatre clans : Fɑrmɑ, Khɑ̃mɑ, Sʋɑ. Le clan Thɑ̃ɑmɑ n'est pas représenté dans la hiérarchie religieuse, eu égard à son métissage entre les Gan et les Theobe — métissage de Gan et de Lorhon. Les prêtres sont nommés sur ordonnance du k
á̃ɑ 'ɩyɑ, après délibération d’un collège d’anciens et sur avis de leur chef de clan. En cas de décès, ils ne peuvent être officiellement remplacés ; le fils du défunt ou un membre de la famille proche tel l'oncle maternel, assure alors l'intérim jusqu'à l'intronisation d'un nouveau roi. Les prêtres sont intronisés, mais seulement certains d'entre eux détiennent une partie des emblèmes de la royauté.
En dehors de cette hiérarchie, sous la responsabilité directe du k
á̃ɑ 'ɩyɑ, on trouve d’autres types de personnages évoluant en marge de celle-ci. Les devins (ká̃nɑ̃ chargés de la divination, des “possesseurs de génies” (kperegbee tɑriɑ̃ chargés du “culte de possession”, des fabricants de génies (sɩ̃ mɑgɑ̃ quand cette fonction n’est pas assurée par les possesseurs de génies eux-mêmes.
Nous avons détaillé ci-après la hiérarchie religieuse présente et passé en notant, pour chaque responsable, le clan auquel il appartient.

A Opire

Sur le plan religieux, hormis sa fonction de chef suprême, le ká̃ɑ 'ɩyɑ (roi du clan Fɑrmɑ) a la charge du déluge pluvial : lorsque les cultures sont en fleurs, il fait procéder à l’adoration de l’entité hɛrkɛrɛ d’Opire en cas de pluies superflues.
Le kasɩyɑ (Khɑ̃mɑ) d’Opire est le porte-parole du roi, intermédiaire incontournable de la communication bilatérale entre le roi et le peuple. Il est également le sacrificateur rituel du roi et est considéré comme sa première femme. Lorsque le roi meurt, il est le premier à porter le deuil. C'est un roturier appartenant à la famille des tʋkpɑ̃-pᴐr, mais, avant l'intégration de cette famille à la cour royale, il faisait partie de la famille princière. Il a la charge de faire sortir le corps des défunts de la famille princière, de la case funéraire.
Le ká̃ɑ thᴐgɩna (Sʋɑ) : prêtre-sacrificateur pour les deux entités spirituelles d’Opire : ká̃ɑ 'ɩyɑ et hɛrkɛrɛ.

A Khʋ̃thɑ̃ (Quartier d’Opire)

Le khʋ̃thɑ̃ khoo (Khɑ̃mɑ) : responsable des pluies, père spirituel du roi (ká̃ɑ 'ɩyɑ̃ dont il a la charge de l’initiation après son intronisation.

A Togo

Le tog khoo (Sʋɑ) : responsable des pluies, des calamités, des maladies, des épidémies, des tempêtes, etc… Il est prêtre et sacrificateur pour les deux entités spirituelles de Togo : ká̃ɑ 'ɩyɑ et hɛrkɛrɛ, entités sur lesquelles le roi fait faire ses sacrifices lors du rituel de tog kpoko. Il est également surveillant de l’est.

A Kɩ̃ngɛ

Le kɩ̃ngɛ ɩɩbie (Fɑrmɑ, fils d’un prince) : surveillant de l’est et intérim du roi entre son décès et une nouvelle intronisation.
Le fãdar khoo (Khɑ̃mɑ) : chef de terre, prêtre-sacrificateur de l’autel de terre et responsable des pluies.

A Kpoduko
Le kpodu ɩɩbie (Fɑrmɑ) : prêtre de sórí (entité spirituelle, tuteur de l’esprit mɑɑsɛ) et surveillant de l’ouest.

A Sɑ̃tée

Le sɑ̃tée khoo (Fɑrmɑ) : prêtre de khɑrbʋ (chef des ancêtres du sous-matriclan sɑ̃teebẽ et  surveillant de l’ouest ; il est chargé du mariage des princes et princesses de son village.

A Mugonsi

Le mugonsi khoo (Fɑrmɑ ou Khɑ̃mɑ par alternance) : responsable de l'inhumation des princes, princesses et enfants de princes. Prêtre non sacrificateur, il est chargé d’adorer l’entité spirituelle ká̃ɑ 'ɩyɑ. Il est oncle spirituel du roi.

A Sɑɑgɛ

Le sᴐgɩthɑ khoo (Sʋɑ), frère aîné du mugonsi khoo : responsable de l'inhumation des princes, princesses et enfants de princes. Il est oncle spirituel du roi.
Le tegithã khoo (Khɑ̃mɑ) : chargé des pluies et de l’entité spirituelle panana. Il est aussi chef de terre de Sɑɑgɛ. Chaque année, en mars, le roi offre une poule en sacrifice à cette entité. Il est interdit au roi de se rendre dans le quartier où se trouve cette entité.

A Perekeré

Le perekeré khoo (Sʋɑ) : prêtre-sacrificateur, responsable des pluies et surveillant de la mère spirituelle du roi (entité spirituelle perekeré dágá. La troisième année suivant son intronisation sévit une sécheresse à laquelle le roi doit remédier en allant offrir des sacrifices à cette entité afin d’attirer la pluie ; on dit alors qu’il va « téter sa mère ».

A Sᴐnnᴐ

Le kɑsɩyɑ (Sʋɑ) : sacrificateur pour les ancêtres royaux d’Opire (wᴐᴐgᴐ) et intermédiaire entre le ká̃ɑ 'ɩyɑ et la famille princière dɛrbibɛ. Il est aussi chargé de faire sortir les corps des princes, princesses et enfants de princes défunts de la case mortuaire. Il intronise le roi des Badogo.
Le fãdar khoo (Khɑ̃mɑ) : chef de terre, surveillant du nord et prêtre-sacrificateur pour l’autel de terre sɩrgɑ.

Autrefois, il existait trois autres prêtres qui ne sont plus nommés aujourd'hui :

A Wurkhum

Le wurkhum ɩɩbie : fils de prince, il était surveillant du nord et de l’enceinte de wurkhum kpóŋgo.

A Buro'ro

Le buro'ri koyo : petit-fils d’un prince, était chargé d’une entité spirituelle appelée buro'ri bɛɛgɛ, protectrice du peuple. Il était également chargé de la surveillance d’un lieu sacré où se trouve aujourd’hui encore des crocodiles.

A Paria

Le parii'ɩ koyo : petit-fils d’un prince, était responsable de l’entité spirituelle de la guerre (paria).

Les prêtres mugonsi khoo, sᴐgɩtha khoo, wurkhum ɩɩbie, kɩ̃ngɛ ɩɩbie, kpõdu ɩɩbie et sɑ̃te khoo détiennent les mêmes emblèmes que le roi, hormis la canne, à savoir : la lance, le tambour royal koto bie, le chapeau et le bracelet de cuivre rouge, et subissent des épreuves similaires lors de leur intronisation.

Vie quotidienne

Les Gan vivent dans la savane arborée, habitent des cases en banco généralement disposées en cercle ou en ellipse autour d’une cour familiale sans mur d’enceinte. Dans ce périmètre se trouvent également des cases pour les animaux, des sanctuaires pour les fétiches, de grandes statues de terre décorées de cauris représentant des génies ou des esprits, un espace pour le pilage, plus rarement un xylophone sur fosse.
Les Gan pratiquent une agriculture familiale (petit mil, sorgho rouge, maïs, patate douce, manioc, autrefois igname) aux techniques ancestrales (labour à la houe, semailles, récoltes et battage manuels). De même, toute la chaîne de transformation des céréales se fait manuellement (mouture sur meule dormante, pilonnage dans le mortier, cuisson au bois sur support de banco). Ils pratiquent un élevage rudimentaire et marginal (bovins, ovins, caprins, gallinacés) ; ces animaux sont utilisés pour les sacrifices rituels et consommés essentiellement les jours de fête. Les puits de forage sont rares. Une eau de médiocre qualité est fournie par les marigots et portée sur de longues distances par les femmes. L’alimentation de base est le to (bouillie épaisse de céréales ou de tubercules) nécessitant une longue et pénible préparation. Le gibier représente aujourd’hui un apport nutritionnel marginal compte tenu de sa rareté.

Une société bilinéaire à prédominance matrilinéaire

La société gan est bilinéaire à prédominance matrilinéaire. Elle est organisée autour de quatre clans alliés deux à deux dans une relation dite à plaisanterie, de même que d’autres groupes ethniques de la région (Lobi, Birifor, Dagara) :


Matriclan Fɑrmɑ, allié de Sʋɑ. Sous-matriclans : ɩkhʋ̃mɛbɛ, Sɑ̃teebe, Kpɑ̃gunibo, Tʋkpɑ̃ Pᴐrbᴐ (sous-matriclan des joueurs de xylophone, intégré à la cour royale sous le règne du roi Tʋkpɑ̃-Pᴐrɩ).
Matriclan Sʋɑ, allié de Fɑrmɑ. Sous-matriclans : Hɛrkɛrɛ, Thimithɑ̃ Yekire.
Matriclan Thãama, allié de Khɑ̃mɑ. Sous-matriclan unique : Tɑmɑthɑ Po'ro.
Matriclan Khɑ̃mɑ, allié de Thɑ̃ɑmɑ. Sous-matriclans : Tɛbɛ, Mɑɑnɩ Fʋrmɑ, Bɛɩ Sɩnnɑ, Kɑɑfɑ̃nɑgɑ, Sɔ́n Dágá.


Si le nom clanique est aujourd’hui transmis par le père afin de se conformer à la loi de l’état burkinabè, il était autrefois transmis par la mère. La société gan possède toutefois un patrilignage qui concerne la transmission de certaines entités spirituelles et des terres cultivables.

Religion traditionnelle

Les Gan sont traditionnellement animistes. Les concepts et dénominations des entités spirituelles développés ici sont ceux des Gan eux-mêmes.

Le panthéon des entités spirituelles

On trouve, chez les Gan, trois familles d’entités spirituelles : les génies (kperegbeye), les esprits (sɩ̃mɑ̃, les ancêtres (défunts ancestralisés) (thé're khãga). On distingue également les défunts non ancestralisés (thé're) qui ont le statut provisoire d'ancêtre, mais dont les dernières funérailles n'ont pas encore été célébrées et l'ancestralisation non réalisée. Esprits et génies ne sont pas éternels, mais peuvent vivre plusieurs siècles. Selon la croyance, ils ont les mêmes activités que les hommes mais sont plus puissants qu’eux compte tenu de leur immense savoir accumulé au cours des âges. Les génies transmettent leurs connaissances aux Hommes qui leur font confiance ; ainsi, pour combler leur ignorance dans de nombreux domaines, les humains se réfèrent à eux pour être guidés dans leur vie quotidienne : prise de décision importante, diagnostique et remède à une maladie, détection d'un ennemi…

Les trois types d’entités spirituelles communiquent ensemble et échangent des informations sur le monde des hommes.

Les génies

Il existe deux types de génies : les génies de l’intérieur et ceux de l’extérieur. Les premiers sont installés dans les habitations ou dans des sanctuaires (sɩ̃duko), les seconds à l’air libre dans la cour des maisons. Les uns et les autres viennent habiter les hommes au cours d’initiations spécifiques conduites par un maître initiateur qui assure également la construction de leur représentation physique. Si toutefois ce dernier ne détient pas la compétence technique de leur fabrication, il les fera bâtir par un constructeur de génies (sɩ̃ mɑgɑ). Chaque génie est tricéphale : un couple homme-femme et un roi (kponó 'ɩyɑ). L'importance des génies est liée à leur ancienneté d'initiation. Ce sont toujours les initiés les plus anciens qui ont la plus grande importance hiérarchique. Une initiation complète est représentée par un couple de génies et un roi. Au moment de l'initiation, est tout d'abord installé le couple. Le roi ne sera  installé que dans un délai d'un à deux ans dans la cour de la maison de son propriétaire. En attendant son installation, le couple est placé sous la tutelle du roi de l'initiateur qui se trouve dans sa  propre cour. Lors d'une nouvelle initiation d'un couple de génies provisoirement sans roi, c'est le roi déjà présent qui prend la tutelle du nouveau couple. Le nombre d'entités tricéphales installées dans une cour est de une ou deux par cour, mais il a existé, par le passé, le cas d'un possesseur de huit entités.

Les esprits

Il existe trois familles d’esprits :

sɩ̃ nyɑɑmɑ (litt. esprit trouvé) : esprit généralement découvert au cours de la culture ou de la chasse.
sɩ̃ diyeeme (litt. esprit mangeable) : esprit acquis auprès d’un autre possesseur moyennant compensation de cauris et/ou d’animaux.

thɑmánɩ (litt. construire la tête) : esprit créateur des nouveau-nés et responsable de la maison. Il est le premier protecteur de la famille. Sa possession nécessite de suivre tous ses interdits. Un esprit sɩ̃ nyɑɑmɑ ou sɩ̃ diyeeme peut aussi être thɑmánɩ̃.

Les ancêtres

On distingue deux types d’ancêtres : ceux qui sont ancestralisés (uniquement les hommes) et ceux qui ne le sont pas (que nous nommerons désormais “défunts non ancestralisés”). Nous nous intéresserons plus particulièrement aux premiers. L’ancestralisation a lieu au moment de la levée de deuil (dernières funérailles).
Les ancêtres sont des entités spirituelles hiérarchisées, l’ancêtre le plus ancien étant considéré comme le plus important, les autres venant ensuite par ordre d’ancienneté. Le nombre de générations d’ancêtres auxquels on rend un culte est variable. Le premier de la liste, appelé thĩ berige, est le fondateur de la famille originellement arrivée du Ghana dans l’actuel pays gan.
Les ancêtres sont des protecteurs de la famille. Du temps du vivant d’un individu, les deux branches d’ancêtres, paternelle et maternelle, sont protectrices. Au moment de l’ancestralisation, l’âme du défunt rejoint la lignée maternelle mais est ancestralisée dans la lignée paternelle. Cette ancestralisation est représentée par un autel (petit tumulus de terre) se trouvant dans la case de la première femme du défunt ou, si cette dernière est décédée avant lui, dans la case de sa seconde épouse ou encore, s’il n’a plus de femme, dans la case de son fils.

Le panthéon de la cour royale

La cour royale possède des entités spirituelles, mais le roi, en temps qu’individu, n’en possède qu’une seule : le kɑ̃ndɔ́. Cette entité protectrice représente symboliquement son père et sa mère. Elle est constituée d’un autel sacrificiel et des emblèmes royaux qui sont la canne, la lance, le bracelet de cuivre rouge, le tambour koto bie et le chapeau. Un autel de pierres remplace aujourd’hui le siège en or disparu, auquel on vouait autrefois un culte nécessitant des offrandes de sang humain, et le koto bie se substitue à l’ancien kɑ̃gɑnmɑdu.
Les autres entités spirituelles de la cour royale sont entretenues et adorées par des prêtres (sɑkhɑ nɩpɑ). Le roi rencontre pour la première fois ces entités le jour de la procession précédant son intronisation. Dix de ces entités ponctuent son parcours initiatique. Dans l’ordre de ce parcours :


thai-thai : esprit de l’intronisation du roi.
perekeré dágá : esprit de la pluie.
yiburgo  : esprit protecteur du royaume.
beʋfɩra : esprit protecteur du royaume.
nɑpire : esprit protecteur du royaume.
khʋthɑ̃ pʋnna : couple d’ancêtres.
kharpiIna : lieu sacré dans lequel les sorciers viennent faire des sacrifices pour jeter leurs sortilèges.
kperenye : esprit de la porte d’Opire, protecteur de ses habitants.
k
á̃ɑ 'ɩyɑ : ancêtre. Premier roi gan, Kɛn Mᴐrᴐ Fɑrmɑ.
oogo  : esprit de la terre protégeant le territoire gan.


Autres entités spirituelles importantes :


hɛrkɛrɛ : ancêtre. Première épouse du premier roi gan. Entité couplée avec ká̃ɑ 'ɩyɑ.
wosithɑ̃ : ancêtre non royal.

Langue

La langue des Gan, le ká̃asa, occupe, selon Gudrun Miehe, une position intermédiaire entre la branche sud du "Gur central" et les langues viemo, cɛfᴐ, wara et natioro, aussi bien du point de vue géographique que du point de vue classificatoire. Sa structure et son lexique constituent selon toute évidence un passage entre les langues gur « typiques » et les langues gur « atypiques » (« improbable gur »), celles-ci se trouvant de leur côté très clairement à la lisière des langues senufo. Le ká̃asa est empreint de mots ɑʃɑ̃ti, bɑule, julɑ, more et 'lobɩri.

La construction de son écriture est en cours et aucun dictionnaire référentiel n’existe à ce jour, ce qui peut justifier de différences scripturales entre des mots similaires orthographiés dans des publications antérieures et ceux du présent site.

L’alphabet est celui utilisé par les commissions de linguistiques du Burkina Faso, basé sur une partie de l’Alphabet Phonétique International (API).

Il existe deux types de voyelles orales : les brèves [a e i o u ; ɑ ɛ ɩ ᴐ ʋ] et les longues [ɑɑ ɛɛ iו ɩɩ oo ᴐᴐ ʋʋ]. Toutes les voyelles peuvent être nasalisées par un tilde : [ã ẽ ĩ õ ũ ; ɑ̃ ɛ̃ ɩ̃ ɔ̃ ʋ̃]. Dans le cas où une voyelle longue est nasalisée, le tilde est porté uniquement par la première voyelle : [ɑ̃ɑ ĩו ɩ̃ɩ]. Dans le cas du double "i", le second perd son point. Dans un souci de facilitation de l’écriture, la nasalisation n’est pas portée sur la voyelle qui suit les consonnes m, n, ŋ.

Il y a deux tons en ká̃asa : un ton bas, non marqué dans l’écriture, et un ton haut noté [´] placé sur les voyelles brèves ou sur la première voyelle d’une longue. La glottalisation est marquée par le signe ['].

A propos des mots vernaculaires

Les noms propres (personnes, lieux) sont assortis d’une majuscule en début de mot (sauf dans le cas où la typographie ne le permet pas).

Les noms de lieux ont été donnés en ká̃asa bien que parfois mieux connus sous d'autres appellations ; ce parti pris a été nécessité par l'hétérogénéité des toponymes cartographiques.

Prononciation des consonnes

La plupart des consonnes (b f g k m n ŋg ŋm p s t) se prononcent comme en français. Certaines ont cependant une émission spécifique :

[kh, th, ph] réalisation aspirée de [k, t, p]

[gb, kp] ce jumelage de consonnes n’a pas d’équivalent exact en français.

Prononciation des voyelles

[a] « a » du français « chat »

[e] « é » du français « été »

[ɛ] « ê » du français « être »

[i] « i » du français « ici »

[ɩ] « i » de l’anglais « this »

[o] « o » du français « rose »

[ᴐ] « o » du français « bosse »

[ʋ] intermédiaire entre « o » et « ou »

[u] « ou » du français « pou »

 

Prononciation des semi-voyelles

Il existe également deux semi-voyelles [w, y]. La première se prononce comme en anglais. La seconde précède toujours une voyelle et se prononce « i ».

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