top of page

Xylophone minthoreego

Cet enregistrement présente une suite de pièces du répertoire des dernières funérailles (village de Sᴐnnᴐ) interprétées au minthoreego par Dantien Farma et au kãgõgo par Atébé Farma.

Les trois premières pièces citées sont paraboliques et ont un rôle éducatif tandis que la dernière a un rôle de transmission historique. L’enchaînement des pièces est très audible car le musicien marque des temps d’arrêt entre elles et frappe plusieurs fois les mêmes lames de son minthoreego. Toutes les pièces n’ont pas été traduites mais nous en donnons ici quelques thèmes.
« Quelle que soit votre souffrance, le crapaud des mers ou des rivières vous en délivrera. » Autrement dit, la mort (être imaginaire que nul être vivant n’a jamais rencontré) libère l’homme de ses souffrances terrestres.

 

Dernières funérailles - Xylophone minthoreego
00:00 / 00:00

« Il existe deux espèces d’éperviers dont une ne peut attraper que de petits poussins. Un jour, un éleveur de volaille constata que cette espèce d’épervier était venu lui prendre une poule. Il aurait préféré que ce soit le grand épervier qui la lui vole plutôt que ce frêle oiseau. » Autrement dit, mieux vaut confier un bien à un homme valeureux qui l’utilisera à bon escient plutôt qu’à un être peu scrupuleux qui n’en saura que faire de bon.
« Si le mil a de bonnes racines, aucune mauvaise herbe ne pourra le tuer. » Autrement dit, celui qui naît avec la richesse et acquiert de solides connaissances, a de meilleures chances de réussir sa vie.
« Après le départ du roi Tʋkpɑ̃-Piré (7e roi des Gan) pour Bᴐbtɑ̃, les gens se sont dit : unissons-nous et entendons-nous afin de n’être pas trahis par un autre peuple. »

Description

Le minthoreego (également connu sous le vocable générique balafon) est un xylophone composé de 14 lames de bois (mɩnthoree bᴐ'yᴐ) montées sur un cadre. Des calebasses (mini khooyo) de forme sphérique dont la partie supérieure a été ouverte, sont suspendues sous les lames et servent de résonateur ; leur taille est adaptée à la hauteur de chaque note. Ces calebasses sont percées de plusieurs ouvertures circulaires sur lesquelles sont tendues de très fines toiles (nɑɑninɑ) (à l'origine le cocon protecteur des œufs d'une araignée), qui ajoutent une certaine stridence à la sonorité. Chaque lame a une longueur, une largeur et une épaisseur propres. Elles sont frappées à l'aide de deux maillets terminés chacun par une boule formée d'une superposition de bandes de caoutchouc.
 

L’accord des xylophones africains est rarement précis. De même, on ne peut définir aucune règle concernant les hauteurs absolues entre plusieurs instruments. Quant aux intervalles sur un instrument donné, on peut définir des tendances, mais même les octaves ne sont pas toujours justes !
Nous avons déterminé les hauteurs des notes du minthoreego du village de Sᴐnnᴐ. Nous constatons que les valeurs relatives entre notes et les redoublements d’octaves sont approximatifs. (La note 1 correspond à la lame la plus grave de l’instrument. Les signes « + » et « - » donnent une notion plus ou moins grande de la dérive en fréquence par rapport au diapason « La = 440 Hz ») :
1 Fa# ++ / 2 La - - / 3 Do - - / 4 Ré / 5 Mi ++ / 6 Sol - - / 7 La / 8 Do - - / 9 Ré# - -  / 10 Fa / 11 Sol / 12 La# - -  / 13 Do + 
/ 14 Ré#
Nous donnons ci-après les approximations des gammes des minthoreeso des villages d’Opire et de Khʋ̃thɑ̃. Nous constatons qu’il n’existe pas de hauteur absolue commune entre les instruments. Le minthoreego du second village est sensé se substituer à celui du premier dans le cas où celui-ci serait indisponible. Or, la tonalité des deux instruments est différente, nécessitant pour les chanteurs(euses) d’Opire, accompagnés par ces instruments, d’adapter leur hauteur de voix.
Minthoreego royal d’Opire : Ré♭, Mi♭, Fa, La♭, Si♭.

Minthoreego de Khʋ̃thɑ̃ (substitut du minthoreego royal d’Opire) : Sol, La, Si, Ré, Mi.

Origine

C’est le roi Tʋkpɑ̃-Pᴐrɩ, 15e roi du second site funéraire, (début du 19e s.), qui aurait introduit le minthoreego chez les Gan. Une légende raconte qu’un jour où son fils était parti à la chasse, il rencontra des hommes sortant de trous en jouant du xylophone. Aussitôt, il rapporta la nouvelle à son père, qui le renvoya auprès d’eux afin de connaître leurs conditions pour venir jouer auprès de lui. Le fils partit et revint avec la réponse suivante : « Il faut préparer de la bière de mil, tuer des animaux, préparer du to et ne pas les détenir captifs ». Ainsi fut fait. Les musiciens vinrent, mangèrent et burent. Ils furent tellement contents qu’ils ne souhaitèrent pas repartir. Ainsi le minthoreego resta au sein du peuple gan.

Selon Madeleine Père, ces musiciens pourraient être des Loron (qui se nomment eux-mêmes Teése — sing. Teébò) car cette ethnie possédait auparavant des maisons souterraines, ce qui pourrait expliquer l’expression “des hommes sortant de trous”.

Le roi Tʋkpɑ̃-Pᴐrɩ tiendrait son nom de Tʋkpɑ̃-Pᴐrᴐ, c’est-à-dire roi “Tʋkpɑ̃ le pauvre”. Ce roi vécut en Côte d’Ivoire pour y chercher fortune. Il fut rappelé par la suite après avoir été désigné comme roi potentiel par le collège d’anciens pour remplacer son défunt prédécesseur. En repartant de la Côte d’Ivoire, les Kulango lui avaient donné une fillette en reconnaissance du bien qu'il avait dispensé lors de son séjour. Il n’épousa pas cette enfant au nom inconnu, mais la donna à son tour au premier joueur de minthoreego venu jouer à sa cour. Depuis lors, les descendants de ce dernier, restés attachés à la royauté, sont issus de la descendance du mariage contracté entre cette fille Kulango et ce musicien présumé être Loron. Cette descendance constitue aujourd'hui une famille appelée Tʋkpɑ̃-pᴐr, en référence au roi qui avait appelé les premiers musiciens auprès de lui. De cette famille sont également issus les porte-parole kɑsɩyɑ des villages d'Opire et de Sᴐnnᴐ. Les joueurs de minthoreego sont appelés kɑsɩgɩbɑ (sing. kɑsɩgɑɑ) mais sont également kɑsɩ 'ɩrɩbɑ (sing. kɑsɩ 'ɩrɑ) c'est-à-dire les fossoyeurs des roturiers.

La lignée des joueurs de minthoreego d’Opire appartient au clan Fɑrmɑ et celle de Sᴐnnᴐ au clan Sʋɑ. Les musiciens Sʋɑ se sont formés, à l'origine, auprès des Fɑrmɑ. Un des musiciens de la cour royale, feu Aley Farma, nous a révélé en 2003 toute son ascendance, jusqu'à l'origine du premier arrivé sous le règne du roi Tʋkpɑ̃-Pᴐrɩ ; ils appartiennent tous au matriclan Farma. Ainsi, en partant de l'ancêtre originel, nous atteignons seize générations : Mani, Tieba, Fako, Keremassa, Kirifou, Boureïma, Païbi, Assoro, Togo, Assounou, Assi, Assoro, Simbé, Kouadio, Domba, Aley.

Fabrication

Compte tenu de ce qui vient d’être dit, les Gan n’ont pas appris à fabriquer les minthoreeso (pluriel de minthoreego) mais s’adressent, en cas de nécessité, à leurs voisins et anciens ennemis, les Lobi.

Utilisation

On distingue trois types de minthoreego, certes similaires physiquement, mais symboliquement différents. Le minthoreego attaché à la cour royale, les minthoreeso utilisés exclusivement par les roturiers et le minthoreego du hameau de Khʋ̃thɑ̃ ayant une utilisation villageoise ordinaire ; celui-ci peut se substituer à l’instrument de la cour royale en cas d’indisponibilité.
Le minthoreego de la cour royale est joué au cours de plusieurs circonstances :

  • au mois de décembre, pour le tog kpoko, moment où le roi effectue les sacrifices précédant ses récoltes de petit mil (autrefois d’igname).

  • pour annoncer officiellement le décès d’un prince ou d’une princesse, avant que le corps ne sorte de la maison.

  • lors des obsèques et des dernières funérailles des princes, des princesses, des descendants patrilinéaires du roi, des captifs et des roturiers attachés à la famille royale.

Lorsque le défunt est un proche parent du roi et qu’il ne réside pas à Opire, on déplace le minthoreego royal dans son village lors de ses dernières funérailles. Les minthoreeso des autres villages sont joués exclusivement lors des dernières funérailles. Tous les villages ne possèdent pas de minthoreego. On en trouve aujourd’hui dans les villages suivants : Opire (minthoreego royal), Sᴐnnᴐ (village du fils du porte-parole du roi), Toethɑ̃, Munyi, Khʋ̃thɑ̃ (substitut du minthoreego royal).

A propos d'un schisme

Pourquoi existe-t-il deux porte-paroles (kɑsɩyɑ) et un minthoreego dans chacun des villages de ces deux personnages ? L'instrument d’Opire est réservé, entre autre, aux obsèques et dernières funérailles des princes et princesses. Munyi était le premier village princier ancestral (les premiers princes y étaient appelés Munyibo). Il y avait, à cette époque, un seul kɑsɩyɑ, celui d’Opire. Or, un jour, le roi Kpanigimihan, appelé aussi le “roi méchant”, tomba malade. Comme le veut la tradition royale, on l’isola dans sa case en lui attachant les clochettes aux poignets et aux chevilles ; lorsque l’on entend plus les clochettes, le kɑsɩyɑ doit entrer dans la case pour constater le décès. C’est alors qu’une fille nommée Ya, une roturière, assista le roi pendant son agonie en lui donnant à manger en cachette et lui sauva la vie. Pour la remercier, le souverain l’intégra par le pacte du sang et divisa alors son royaume en deux. Voici pourquoi il existe deux minthoreego et deux kɑsɩyɑ  répartis à Opire et Sᴐnnᴐ.

Rétribution des musiciens

Lors des obsèques d'un prince ou une princesse de Munyi, le kɑsɩyɑ d’Opire égorge les bœufs et récupère sa part (une partie du cou, des intestins et du foie) ; les joueurs de xylophone (kɑsɩgɩbɑ) d’Opire prennent la tête du (des) bœufs après que le défunt ait été enterré, têtes déposées pendant les obsèques auprès de la canne (tɑkpɑnnɑ) représentant le défunt à l’entrée de la porte de la case funéraire. De même, lorsqu'un prince ou une princesse du village de Derbɩ meurt, c'est le kɑsɩyɑ de Sᴐnnᴐ qui égorge les animaux et conserve sa part, tandis que le joueur de xylophone (kɑsɩgɑɑ) de Sᴐnnᴐ récupère la tête du (des) bœuf(s).
Autrefois, lors des dernières funérailles, on sacrifiait, près du minthoreego et en son honneur, une poule pour une femme ou un coq pour un homme. On récompensait le musicien d’une jarre de bière de mil pour le déplacement de l’instrument et de deux cents cauris pour sa prestation. Cette coutume n’a plus cours aujourd’hui. Le musicien reçoit uniquement de la bière de mil au même titre que les autres invités.

Obligations et interdits

Il est interdit de faire passer une calebasse de bière de sorgho au-dessus de l’instrument car si de la bière venait à tomber sur les lames, celles-ci deviendraient ivres et ne pourraient plus jouer correctement.
Le minthoreego royal ne peut être transporté dans certains lieux eu égard au rapport existant entre ceux-ci et la royauté : rapport entre la mort royale ou princière, lieu abritant une entité spirituelle royale ou encore conflit historique ayant affecté la royauté. Voici la liste de ces lieux : Tegíthɑ̃ (quartier du village de Sɑɑgɛ abritant l'entité spirituelle royale Pɑnɑnɑ ; l'entrée même de ce quartier est interdite au roi), Wɑthɑ̃ (village abritant l'entité d'initiation Sᴐrɔ̃, Bᴐbthɑ̃ (village du second cimetière royal), Mugonsi (village du cimetière princier), quartier Ká̃a-kpɩkɑ d'Opire (lieu de résidence de l'entité Hɛrkɛrɛ), Togo (premier cimetière royal), Sɑ̃tée (lieu de résidence d’un dénommé Kharbo, ancêtre Fɑrmɑ, qui eut des démêlés avec la royauté en place : il aspirait à devenir roi mais son neveu, résidant à Opire, fut intronisé à sa place sans qu’il pût s’y opposer). Poussé par la rancœur, Kharbo interdit l’accès de son village au nouveau roi et demanda qu’à la mort de ce dernier, on lui envoie ses ustensiles de cuisine en guise de faire-part).

Répertoire

Le répertoire du minthoreego est homogène dans le pays gan ; il est constitué de chants polyphoniques qu’il accompagne ou auxquels il se substitue parfois pendant que les chanteurs(euses) se reposent.

Accompagnement

A la cour royale, le minthoreego est accompagné simultanément par le pɑ̃ɑgɑ et le kãgõgo. Dans les autres villages on utilise soit le pɑ̃ɑgɑ, soit le kãgõgo, soit encore le kpegbe bie.

Ethnies voisines possédant cet instrument

Le xylophone sur cadre est répandu dans tout le Burkina Faso avec plus encore de particularismes qu'il existe d'ethnies. Sur le plan architectonique, le xylophone à 14 lames est connu chez les Lobi, les Birifor, les Dagari, les Dyan. Rappelons toutefois que les xylophones Gan sont aujourd'hui fabriqués ou réparés par les Lobi eux-mêmes.

Rangement

Le minthoreego royal était autrefois rangé dans une case aujourd'hui disparue du quartier Kɑsɩgɩ-tᴐnnᴐ d'Opire. Il est aujourd’hui stocké dans la case d’une femme de la famille des Tʋkpɑ̃-pᴐr.

bottom of page